La Bible contient-elle des contradictions ?

Cette question est souvent prise en otage par des polémiques; les sceptiques veulent l’utiliser pour discréditer la Bible, et parfois des chrétiens y réagissent sur un ton très défensif. Il faut pourtant reconnaître qu’un lecteur attentif, même bien disposé, peut se trouver confronté à ce qui ressemble fort à des contradictions. Cependant, ces apparences de contradiction peuvent le plus souvent trouver une explication cohérente avec ce que la Bible prétend être. Faisons 3 remarques qui trouvent d’abondantes applications :

  • Les questions de contexte

La Bible est révélation de Dieu dans l’Histoire. Les textes que nous lisons dans la Bible sont situés : ils sont écrits par un auteur donné, destinés à des lecteurs plus ou moins déterminés, dans une situation historique particulière, au cours d’une étape spécifique de la révélation de Dieu aux hommes. Beaucoup de passages peuvent sembler mutuellement contradictoires si on prend toute la Bible comme un ensemble de paroles qui nous seraient adressés directement, mais ne posent plus de problème si on se pose plutôt la question “qu’est-ce que ces paroles nous apprennent dans le fait que Dieu ait jugé bon de les adresser à ces personnes-ci, à ce moment là, au moyen de cet auteur?”.

Il n’y a par exemple pas de contradiction dans le fait que Dieu ordonne à Abraham d’être circoncis avec toute sa famille, mais que l’apôtre Paul écrive aux chrétiens d’origine païenne qu’ils ne doivent pas être circoncis et même que la circoncision leur serait néfaste. Entre deux, il y a la venue de Jésus-Christ, qui ouvre une alliance nouvelle ouverte à tous les hommes, qui dépasse le cadre d’un peuple particulier dont la circoncision est la marque.

  • Les divergences narratives et le travail d’écriture des auteurs

Dieu a parlé dans la Bible, mais il l’a fait par le moyen d’auteurs humains. Il s’est assuré que par la Bible, nous recevions fiablement la révélation qu’il souhaitait nous apporter et apprenions véritablement ce qu’il a jugé bon de faire. Mais il a fait cela en passant par des auteurs humains qui ont réellement fait un travail d’écriture et dont Dieu n’a pas supprimé la personnalité, le style ou les accents. En particulier, les auteurs bibliques conservent une connaissance limitée, comme tout humain ; ils se servent de matériaux documentaires, creusent dans leur mémoire, et font aussi des choix dans ce qu’ils jugent bon de rapporter parmi ce qu’ils ont à disposition. En outre, comme tout auteur, ils peuvent choisir de relater les événements par thèmes plutôt que dans l’ordre chronologique strict, mettre davantage de poids sur un fait qui leur semble important, etc.

Ainsi, nombre de variantes sur les détails sont le reflet du travail des auteurs humains, sans que cela ôte la fiabilité du texte pour nous faire connaître Dieu et ses actions. Il faut noter en plus que les différences narratives ne portent souvent pas sur les points essentiels. Nous peinons à être sûrs du nombre de femmes qui se rendirent au tombeau de Jésus le dimanche de Pâques, et le nombre d’anges qu’elles virent est incertain, mais nous savons avec certitude que le tombeau était vide et que Jésus a été vu vivant par de nombreux témoins.

  • Les paradoxes – quand notre compréhension est dépassée

Il y a aussi des sujets complexes, où il peut sembler que la Bible se contredit, mais où c’est en fait notre compréhension qui est la source du problème. Par exemple, si on lit la Bible en se demandant “Jésus est il homme ou Dieu?”, on arrive à la conclusion qu’elle se contredit, car elle montre que Jésus est un homme et qu’il est Dieu. Mais là, c’est le lecteur qui a décidé que Jésus est soit l’un soit l’autre, et ce sont les limites de sa conceptualisation qui le poussent à conclure à la contradiction.

Outre des problèmes d’a priori de ce type, la réalité est une chose complexe, qui peut dépasser les concepts dont nous disposons pour l’appréhender. Le simple monde des relations humaines est déjà suffisamment compliqué pour qu’il soit impossible d’en donner une description complète sans sembler donner dans le paradoxe; et lorsque la Bible aborde la personne de Dieu ou ses relations avec le monde, il n’est que normal que notre raison soit dépassée et n’arrive pas à concilier tout ce qui nous est dit de lui. Ainsi, on peut tirer de la Bible que l’homme est libre et responsable de ses choix, et que Dieu est souverain sur tout ce qui advient et détermine l’issue de toute chose, y compris les décisions humaines. Cela nous semble contradictoire et inconciliable, nous ne pouvons pas le comprendre, et c’est normal. Notre raison tient dans le volume d’une bouteille d’eau minérale, et si Dieu est Dieu l’univers entier ne peut pas le contenir. Si nous comprenions tout de Dieu, serait-il encore Dieu ?

  • En bref

Ainsi, ce qui peut nous apparaître comme des contradictions dans la Bible s’explique par le fait que Dieu parle dans et au cours de l’Histoire, par le fait qu’il utilise des humains avec leurs spécificités et leurs limites, et par le fait que la Bible aborde des sujets où notre compréhension est dépassée. On peut et doit reconnaître quand il nous semble voir une contradiction, mais rester assez humble pour dire que si nous ne comprenons pas (ou pas encore) les tenants et aboutissants, ce n’est pas pour autant la crédibilité de la Bible qui est en cause. Au final, le croyant sait suffisamment combien ce qu’il a compris a de la valeur pour que ce qu’il ne comprend pas ne remette pas sa confiance en cause, tandis que celui qui ne croit déjà pas cherchera à trouver la Bible en faute plutôt qu’à la comprendre; c’est pourquoi la question des “contradictions” n’est guère utile pour déterminer la validité de la foi. (voir l’article « pourquoi parle-t-on d’un ancien et d’un nouveau testament? »)

© Jean-René Moret

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